Thème 2 : Les territoires agricoles

L’organisation du terroir

L’essentiel du territoire étant montagneux, avec des fortes déclivités et une mince couche de terrain fertile, les habitants ont été contraints de constituer des banquettes (faissa en provençal) afin de disposer de petits plans horizontaux placés en amphithéâtre les uns sur les autres et soutenus par des murs de pierre sèche bâtis en talus.

La technique a été employée jusque dans les villages d’altitude mobilisant toute l’énergie des paysans pour les maintenir en état. Dans ce pays clos où le transport était périlleux, le paysan était trop pauvre pour acheter des produits importés car lui-même n’était pas en mesure de dégager des excédents. L’agriculture était donc l’élément capital qui devait produire sur place tout ce qui était nécessaire à la population. Pourtant, le relief et la nature des sols réduisaient grandement la surface exploitable.

La discontinuité du territoire agricole jusque sur le littoral est restée un élément marquant du paysage. Sur les coteaux préalpins où s’étageait l’oliveraie, de vastes forêts enserraient et fractionnaient des zones plus ou moins réduites d’agriculture cohérente. Les terrasses étroites et un parcellaire morcelé, mais dénué de clôtures, conduisaient à un entassement des cultures.

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Les céréales

La majeure partie des terres exploitées était consacrée aux céréales. Elles étaient présentes sur les deux tiers des terres soit seules pour moitié, soit en association avec d’autres productions, blé et vigne pour l’autre moitié.

« Ce que les agriculteurs demandent principalement à la terre, ce sont des céréales et pour les obtenir ils défrichent sans cesse ».

Cette organisation de l’exploitation fondée sur l’arboriculture et les cultures intercalaires vivrières avait pour but de produire tout ce qui était nécessaire à la consommation familiale en tirant le maximum de parcelles de terre aux dimensions réduites et en diversifiant les productions pour se prémunir contre les aléas liés aux conditions climatiques et aux maladies. Les céréales constituaient l’élément principal de subsistance. Leur rendement faible qui tenait à des méthodes culturales archaïques ne générait pas d’excédents. On récoltait au mieux 8 quintaux à l’hectare.

La disponibilité restreinte satisfaisait difficilement la consommation paysanne et l’entrée des campagnes dans le circuit commercial à la fin du XIXe siècle condamna toute l’économie de subsistance. La chute a été brutale. Pour le département la superficie en céréales est passée de 27 000 hectares en 1862 à 5 500 hectares en 1929.

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La vigne

La vigne tenait une place très importante jusque dans les villages d’altitude et sa culture a longtemps gardé tous les caractères d’une tradition multi-séculaire. Le rendement de la vigne était très faible (20 hectolitres à l’hectare d’après une enquête de 1866), parce qu’elle était le plus souvent complantée.

En 1803, Fodéré voyait dans « la trop grande multiplicité des figuiers qu’on y trouve souvent aussi nombreux que les ceps » une cause importante du peu de produit de la vigne. Gravement menacée par des maladies notamment l’oïdum puis décimée par le phylloxéra à partir de 1877, la vigne a amorcé un rapide déclin. Confrontée à l’exode rural en montagne et à des baisses de rentabilité consécutives aux crises de surproduction notamment dans le Var en 1847-1848, la viticulture familiale a pris le chemin d’une décadence irrémédiable.

La vigne est devenue un élément résiduel du paysage et se cantonne à une production de vin d’appellation contrôlée à Villars-sur-Var et à Nice sur les collines de Saint-Isidore dont le vin de Bellet était déjà apprécié au XVIIIe siècle.

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L’olivier et l'arboriculture

Arbre sacré de la Grèce antique et répandu dans tout le bassin méditerranéen, l’olivier devait son importance aux multiples usages que l’on faisait de l’huile extraite de ses fruits.

Dans la région il connut un regain de faveur à la fin du Moyen Âge et, surtout au XVIIIe siècle, il prit une place déterminante dans l’agriculture provençale. Il devint le principal produit d’exportation du comté de Nice. Les plantations se multiplièrent envahissant toutes les terrasses des coteaux biens exposés.

L’année 1860 a marqué un tournant par suite d’une forte gelée qui a durement atteint les oliveraies. Après une succession de mauvaises récoltes, la mouche « kaïron » causa de plus en plus de ravages. L’oléiculture qui était jusqu’alors la principale source de revenu de la région s’installait dans la crise au moment où se profilait la concurrence fatale des huiles étrangères.

Si l’olivier a connu le marasme il n’a pas pour autant déserté le paysage qu’il a durablement marqué, la prime à l’oléiculture instituée en 1910 ayant assuré difficilement sa survie. Le regain d’intérêt pour l’huile d’olive à la fin du XXe siècle a conduit à la rénovation de certaines oliveraies.

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Les plantes à parfum

C’est au XVIIe siècle que s’est développée dans la région grassoise la culture des plantes à parfum en particulier le jasmin avec l’émergence de la parfumerie, un domaine d’activité vers lequel se sont alors orientés les tanneurs.

La nécessité d’un approvisionnement régulier en fleurs fraîches accéléra le développement des cultures de plantes à parfum au milieu du XIXe siècle dans toute la région grassoise.

De nombreux agriculteurs du littoral bénéficiant d’un meilleur réseau d’irrigation, notamment les canaux de la Siagne et du Foulon, consacrèrent des parcelles aux différentes plantes à parfum en fonction de la nature des sols. Après un hiver 1928-1929 parmi les plus rudes qu’ait connus la Côte d’Azur, la crise de 1930 qui toucha directement le marché de luxe international se fit durement ressentir.

Après la deuxième guerre mondiale, la surface occupée atteignit 900 hectares à la période la plus faste. Mais les productions des régions tropicales et la fabrication des parfums synthétiques ont porté un coup sérieux à la culture des plantes à parfum sur la Côte d’Azur. La crise liée à l’augmentation brutale du prix du pétrole en 1974 et la hausse du coût de la main d’œuvre ont accéléré après 1975 le déclin des cultures.

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L’endiguement et le maraîchage

Les basses vallées des fleuves côtiers, Paillon, Var, Loup, Siagne, constituaient des zones inondables en raison du régime torrentiel des cours d’eau. Les deltas se déployaient largement en zones de marécages, où s’épanouissaient oseraies et vernes.

La riziculture s’était développée au XVIe siècle sur les terres irriguées de la base vallée de la Siagne.

Dans la première moitié du XIXe siècle des travaux de dessèchement de la plaine de Laval ont été pratiqués sur une grande échelle. La plaine assainie a été livrée à l’agriculture avec des prairies artificielles de luzerne et du blé. D’une toute autre envergure fut l’œuvre d’endiguement du Var, menée à bien par le Second Empire en rive gauche avant d’être réalisée en rive droite au XXe siècle.

L’endiguement a permis de nouvelles formes d’activité agricole dans la basse vallée du Var grâce à l’alluvionnement artificiel. Dès 1881-1885 l’administration des domaines vendit la majorité des bassins colmatés. Ces terres échappèrent au morcellement généralisé. Malgré un recul certain à la fin du XXe siècle en raison de l’inexorable avancée urbaine, l’activité perdure grâce à la proximité d’un marché actif des légumes frais soutenu par de nombreux consommateurs.

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La fleur coupée

L’écrivain Alphonse Karr a quitté la France pour Nice au moment de l’instauration du Second Empire. Dans la grande propriété Bermond qu’il louait à la périphérie de Nice, il s’improvisa horticulteur et ouvrit un magasin pour vendre des fleurs aux étrangers.

Il avait ainsi ouvert la voie à une nouvelle forme d’agriculture dont l’essor fut lié à l’ouverture de la voie ferrée en 1864. Elle permettait des expéditions plus lointaines répondant à l’attente d’une clientèle imprégnée de l’image idyllique d’une Riviera favorisée par l’exceptionnelle douceur du climat.

Progressivement la fleur coupée est devenue l’objet essentiel de la culture dans la zone littorale. L’œillet était la principale production. L’essor a été très rapide. En 1960, 1200 exploitants pratiquaient l’horticulture sur les pentes des coteaux du delta du Var où étaient aménagées des terrasses irriguées.

De culture de plein champ on est passé progressivement à une exploitation intensive sous serres permettant un gain de production. Mais une sévère concurrence étrangère sur les marchés internationaux et la pression spéculative sur le foncier ont entraîné une diminution sensible des exploitations de fleurs coupées puisqu’un quart a disparu en dix ans entre 1970 et 1980.

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Le recul des terres agricoles

Amorcé dès le XIXe siècle par le manque de main d’œuvre attirée par les emplois plus rémunérateurs de la ville, le recul des cultures traditionnelles s’est accéléré après la première guerre mondiale.

Entre 1913 et 1929 les surfaces qui y étaient consacrées dans la campagne azuréenne sont passées de 20 000 à 14 000 hectares. Alors qu’aucun terroir n’a échappé à ce déclin général, au contact de la campagne, des villes ont subitement enflé par le développement des fonctions touristique et commerciale.

A la fin du XIXe siècle, alors que les villes du littoral étaient en pleine expansion, la crise des cultures traditionnelles et l’exode rural ont donné à l’espace périurbain une fonction de réserve qui a contribué à la fossilisation et à la  stérilisation de l’agriculture et expliqué, par l’absence de transformation du vieux système arboricole, la persistance du paysage traditionnel et sa mutation progressive en zone verte suburbaine.

Le nombre d’exploitations s’est effondré de 13 650 en 1955 à  2 300 à la fin du siècle.

L’avancée inexorable de la ville, particulièrement de Nice dans la plaine du Var, entamait à la fin du XXe siècle les derniers bastions d’une agriculture résiduelle.

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