Il y a 400 ans, Coursegoules devenait ville royale
Les dernières guerres d’Italie (closes en 1559 par la paix du Cateau-Cambrésis entre la France, l’Angleterre, l’Espagne et le duché de Savoie), puis les guerres de religion provoquent des tensions et des ravages dans l’est du comté de Provence au XVIe siècle. Sièges, mouvements d’hommes en armes se succèdent et affligent la population.
À ces fléaux s’ajoutent les ravages de la peste, notamment en 1580.
La baronnie de Vence est une illustration de ces fléaux. La baron Claude de Villeneuve s’en saisit pour asseoir son pouvoir contre l’évêque de Vence. Il profite aussi de l’affaiblissement de l’autorité royale et embrasse la cause calviniste. Succès et échecs se succèdent. Il meurt par noyade en mai 1593.
Le pouvoir royal s’en empare pour affirmer son autorité sur la baronnie. Des représentants du roi sont installés à Vence et s’occupent activement des intérêts royaux dans les autres villages qui sont très souvent fortifiés, car situés en zone de marche parcourue par des troupes armées.
Afin d’éponger les dettes de la succession de Claude de Villeneuve, ses biens et droits sont aliénés.
Et dans ce contexte, le village de Coursegoules, dont les droits ressortissaient au baron de Vence, connaît une destinée imprévisible : le roi de France Louis XIII l’érige en ville royale et la réunit au domaine royal. La communauté d’habitants lui fait don de la haute juridiction, se réservant les justices basse et moyenne. Coursegoules se porte acquéreur de ces droits en enchérissant à la somme de 12 600 livres, pour une mise à prix de 7 140 livres.
Les lettres patentes royales sont enregistrées à la cour des comptes de Provence à Aix, puis transcrites par les soins de la sénéchaussée de Grasse, représentant localement le pouvoir royal (document numérisé et transcrit [testez votre niveau en paléographie ! [difficulté intermédiaire]).
Le village obtient au passage le droit d’organiser une foire annuelle le 15 septembre. Ce privilège est de nature à donner un élan économique appréciable au village. En effet, Coursegoules est bordé par la montagne du Cheiron et le chemin commerçant de Cimiez à Castellane via Vence et Coursegoules, le caminum superius, souffre dès le Moyen Âge du captage du trafic marchand par le centre économique de Grasse. Le chemin des hauteurs est ainsi délaissé. La route du grand commerce est celle qui joint Nice à Grasse, puis Draguignan et Aix.
Coursegoules compte 600 âmes en 1654.
Coursegoules obtient aussi le privilège de siéger aux États de Provence, avec droit de vote. Les consuls sont enfin autorisés à porter des chaperons rouges et noirs dans l’exercice de leurs fonctions. Les officiers sont nommés tous les trois ans.
Louis XIII délivre des lettres patentes aux consuls de Coursegoules. L’érection en ville royale relève largement de l’échange de services entre la puissance souveraine et les responsables municipaux.
Ces lettres patentes traduisent la politique de Louis XIII. L'édit de Nantes, promulgué en avril 1598, est un acte politique majeur du roi Henri IV. Il vise à mettre fin aux guerres de religion entre catholiques et protestants inaugurées en 1562. Il reprend nombre de dispositions contenues dans les édits de pacification antérieurs (édit de janvier 1562 ; édit d’Amboise 1563 ; édit de Paris 1568, etc.). Par ces lettre patentes, Louis XIII installe aussi durablement le pouvoir royal à la frontière avec le duché de Savoie.
Sources
Arch. dép. Alpes-Maritimes, 7 B 7 (fonds de la sénéchaussée de Grasse).
Arch. dép. Bouches-du-Rhône, B 90, fol. 52 et suiv. (fonds de la cour des comptes, aides et finances de Provence).
Bibliographie
Georges Doublet, Monographies de celles des paroisses des cantons de Coursegoules, Saint-Auban et de Le Bar qui firent partie du diocèse de Vence. Nice, 1903.
Pascal Folin, « Coursegoules : hier et aujourd’hui », dans Recherches régionales Côte-d’Azur et contrées limitrophes, n° 1, 1983, p. 8-18.
Marie-Claire Grassi, Les voies de communication en Provence orientale de l’époque romaine à la fin du XVIIIe siècle, université d’Aix-Marseille, faculté des lettres et sciences humaines, sous la direction de monsieur le professeur Duby, 1970.
David Rivaud, Les villes et le roi. Les municipalités de Bourges, Poitiers et Tours et l’émergence de l’État moderne (v. 1440-v. 1560), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2007.
Abbé E. Tisserand, Histoire de Vence, cité, évêché, baronnie, de son canton et l’ancienne viguerie de Saint-Paul-du-Var, Paris, 1860.