Randonnée. À l’assaut de terras incognitas...​

Avec le développement à la fin du XIXe siècle des transports en commun comme les trains et les tramways, marcher ne devient plus une nécessité pour se déplacer mais un plaisir. On ne parle pas encore de randonneurs mais plutôt d’excursionnistes, de promeneurs ou de touristes pédestres. ​

Dans des villes extrêmement polluées par les fumées d’usines à gaz ou à charbon, la marche à la campagne se présente comme un loisir sain qu’on pratique en groupe pour favoriser la camaraderie et qui est largement encouragée par les autorités. Dans cette France d’après défaite de 1870, grande est la crainte de voir la jeunesse du pays s’amollir et se perdre dans les plaisirs et les vices d’une vie urbaine.​

« L’Edelweiss », fondée à Nice en 1897, exprime ainsi son souhait de promouvoir un loisir sain pour le corps et l’esprit et promet « d’arracher les jeunes gens à l’énervante oisiveté de la ville par un sport qui les dédommagera de la vie du bureau ou de l’atelier ». ​

Le club alpin niçois « l’Aigle » fondé en 1898 se propose ainsi de faire aimer la montagne avec « ses luttes et difficultés ». Il entreprend de perfectionner l’aptitude à la marche, d’aider à supporter fatigues et privations afin d’éviter aux jeunes gens « les mauvaises fréquentations en leur donnant un but utile et agréable ». Ce programme pour le moins spartiate correspond en tous points à la vision du sport en vogue à cette époque qui prépare de façon détournée à la formation militaire de futurs soldats. Il est nécessaire de rappeler que la devise du Club alpin français né en 1874 est « pour la patrie, par la montagne ». La montagne implique de fait une idée de dépassement de soi qui va au-delà de la petite promenade dominicale et véhicule une idée de rigueur. La plupart des membres du CAF sont d’ailleurs souvent composés de hauts dignitaires militaires. Cela s’avère d’ailleurs être un avantage lorsque l’on s’aventure dans les montagnes des Alpes-Maritimes qui ne sont pas libres d’accès mais sont un territoire très largement militarisé. En effet, depuis la réunion à la France en 1860, les contours des frontières en France et Italie sont contrôlés, matières à controverses et expliquent donc la présence dans les Alpes de nombreux chasseurs alpins qui surveillent tous ceux qui s’y aventurent. ​

Les membres du Club alpin français échappent ainsi à ces contraintes. ​

Affiche de la section des Alpes-Maritimes du club alpin français présidée par Victor de Cessole, 1902.

Le chevalier Victor de Cessole est un des présidents de la section des Alpes-Maritimes du club alpin français les plus avant-gardistes. Responsable des tracés de sentiers, de poteaux indicateurs ou de constructions de refuges, il a à cœur d’améliorer le confort aussi bien des bergers que des randonneurs et des alpinistes. ​

Sa fascination pour la montagne se traduit par environ 10 000 photographies qu’il réalise et dont certaines sont transformées en cartes postales. Il contribue ainsi à faire connaître ce nouvel espace de liberté aux citadins, aidé par la création de routes et la mise en circulation de tramways départementaux qui désenclavent les villages et les rendent plus facilement accessibles. ​

Cette envie de faire connaître et aimer la montagne concourt à l’augmentation de la fréquentation de ces espaces sauvages. Malheureusement l’arrivée d’un public aussi peu éduqué que respectueux du milieu alpin contribue à fragiliser des milieux naturels sensibles. Cessole fait interdire la cueillette sauvage de fleurs endémiques et encourage l’embauche de guides locaux pour réaliser des randonnées. Avec l’engouement mal encadré de l’escalade, les accidents se multiplient. Dès 1930, il est un pionnier en matière d’organisation des premiers secours en montagne.

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